Dossier Challenges
Stages peu rémunérés, CDD reconduits, chômage… De plus en plus de jeunes diplômés peinent à décrocher un premier emploi [...].
« L’ANPE m’a envoyé un mail un jour, se félicitant de m’avoir trouvé le job idéal : Père Noël… c’était en décembre. » Quand Juliette, en quête d’un premier emploi, se souvient de son année de chômage, elle déprime. A 26 ans, elle a pourtant tout pour elle. Mention très bien à sa maîtrise d’histoire, elle poursuit dans le prestigieux DESS en relations internationales de Pascal Boniface. Son bac + 5 débouche sur… un an de galère. Six mois de stage dans un institut de sondage, rémunérés 500 euros. Puis trois mois chez un tour-opérateur, pas rémunérés du tout ! Elle finit par y décrocher son premier CDD : trois mois, à 1 100 euros. Et, enfin, le CDI tant désiré. Payé 1 300 euros. Elle habite encore chez ses parents…
En juillet 2004, Stanislas, 26 ans, sort de son MBA effectué aux Etats-Unis, gonflé à bloc. Diplômé de l’Ecole supérieure de commerce extérieur où il a multiplié les stages, il souhaite exercer une fonction commerciale. Mais il a beau parcourir les salons, envoyer quatre candidatures par jour, s’entretenir régulièrement avec le conseil en recrutement Michael Page, rien n’y fait. « Avant même de me demander mes prétentions salariales, les recruteurs me disaient que j’étais trop diplômé, autrement dit trop cher. Ou alors que j’étais inexpérimenté… » Au bout de cinq mois de recherche, il finit par entrer dans un groupe de gros électroménager, responsable de secteur, en CDI. Le rêve ? Trois mois plus tard, sa période d’essai est renouvelée, sans motif. Au terme de la seconde, il est licencié. Le voilà reparti dans sa quête. Dur, dur.
Les exemples de diplômés en mal de premier emploi ne se comptent plus. Depuis 2000, le nombre de jeunes embauchés comme cadres ne cesse de chuter. Et si le volume des offres qui leur sont réservées recommence à croître, il a quand même été divisé par deux en cinq ans. Dans ce contexte, entendre de la bouche d’une responsable d’une grande école que « le problème des jeunes diplômés relève du fantasme » fait frémir. Certes, l’enquête 2005 de la Conférence des grandes écoles montre une amélioration de l’insertion. Les diplômés 2004 ont trouvé un emploi en 1,3 mois en moyenne. Essentiellement recrutées en CDI (77 %), ces jeunes pousses voient même leur salaire d’embauche moyen progresser de 3 % par rapport à 2004, soit 30 300 euros par an.
Stages pervertis
Mais c’est compter sans les armées de stagiaires dont ces établissements contribuent à grossir les rangs. Yann, par exemple, frais émoulu de HEC, ayant totalisé deux années de stages durant sa scolarité, mais qui a choisi la voie fatale du marketing, a mis près d’un an à signer un CDI. Il lui a fallu passer à nouveau par la case stagiaire à Danone, payé 1 000 euros, n’ayant que la CMU pour protection sociale… Gisèle Atwell, responsable des jeunes diplômés à l’ANPE de la Défense, s’insurge : « Le stage est devenu une véritable perversion. Des services entiers d’entreprises ne tournent qu’avec des stagiaires ! »
Les universités, elles, ne prennent pas le risque de mesurer le
niveau d’insertion de leurs diplômés. Les milliers d’inscrits en philo,
socio, psycho ou géo n’ont d’autre espoir que celui d’obtenir une des
rares places d’enseignant. Des premiers signes positifs apparaissent
tout de même çà et là. Initiative remarquée par le Conseil économique
et social, celle de Thierry Laffond. Ce chargé de mission au rectorat
de Montpellier a mis en place une banque de stages
(www.infostages-job.com) qui a permis à 8 400 étudiants de trouver un
point de chute ces dernières années. Reste que ces expériences locales
demandent à être étendues. C’est l’objet de la commission « jeunes
diplômés », créée en avril 2005. Le rapport qu’elle doit remettre ces
jours-ci fait des propositions aussi simples que l’embauche dans chaque
université d’une personne chargée d’assurer une veille sur les
possibilités de stages et d’emplois de la région. Des mesures qui
ressemblent à ce qui se pratique dans les grandes écoles. Ces dernières
ont déjà pris une longueur d’avance, comme à l’Ecole des mines de
Paris, qui a mis en place un système de coaching en équipes. Le
résultat ? Des projets professionnels mûris pas à pas. Pas question, en
effet, d’attendre le diplôme pour se poser les bonnes questions. Un
stage ? Cela se choisit. Un CV, un entretien ? Tout est dans la
préparation. Challenges vous y aide dans les pages qui suivent.
Un contexte dégradé
Le nombre de jeunes diplômés embauchés comme cadres a baissé de 52 % en quatre ans. Le nombre d’offres réservées aux jeunes diplômés a été divisé par deux entre 2000 et 2004.
Jean-Baptiste Diebold