Le tropolisme
Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai reçu ce qu'on pourrait
appeler une "bonne éducation". Et j'en suis fière. Savoir quoi
répondre à un faire part de mariage, comment s'adresser à telle ou telle
personne, quels couverts utiliser et dans quel ordre à tel dîner ou les règles
de bases de la bienséance sont pour moi autant d'exemples qui me sont au moins
utiles au quotidien. J’aime bien cette idée d’être bien élevée, ça me plait, ya
pas à dire, peut-être parce qu’une bonne éducation est pour moins indissociable
d’une certaine forme de classe, que j’ai incontestablement (ça va, si on ne
peut même plus rigoler deux minutes….). En tous les cas, je préfère avoir reçu
cet enseignement depuis ma tendre enfance plutôt que de l’avoir apprise dans un
bouquin de la Rothschild. On ne mélange pas les torchons et les serviettes, non
mais.
Seulement voilà. Parfois, je me sens un peu étouffée par cette éducation, même si je tiens à préciser que je n’ai pas vécu dans une prison d’acier où chacun de mes gestes était décortiqué pour être amélioré selon les préceptes de la bienséance. Nonobstant, je dois avouer qu’aujourd’hui, je regrette une part non négligeable du respect qui m’a été inculqué : saluer une personne plus âgée que soi en premier, respecter la hiérarchie, toujours, respecter ses aînés, respecter autrui globalement etc etc. Evidemment que j'y adhère à 200%, c’est important de laisser sa place à mamie dans le bus ou de saluer en premier le Président de la République que je côtoie évidemment tous les jours. Je ne vous parle même pas du tutoiement, quasiment inconcevable pour moi lorsque je ne connais pas la personne ! Ni du fait que pendant longtemps, je ne songeais même pas ne serait-ce qu’à concevoir l’idée d’un gros mot, l’idée m’étant complètement étrangère (je vous rassure, l’adolescence à remis un peu d’ordre dans tout ça). Mais je trouve globalement que trop de respect tue la spontanéité d’un acte, la désinvolture affectée face à une situation qui permet de se positionner talentueusement et finement face à des inconnus. Moi qui suis on en peut plus spontanée et directe, il m’arrive parfois d’être confrontée à des situations highly préoccupantes. C’en est même parfois gaguesque !! Prenez l’exemple d’un dîner chez madame l’Ambassadeur, c’est la cata ! Est-ce que je peux faire ci ? Comment dois-je me comporter ? Comment saluer trucmuche et madame Michu ? Bref, je me sens apprêtée et interprète d’un rôle qui ne me représente que peu, voire pas du tout. Vous me direz, les dîners chez madame l’Ambassadeur sont moins fréquents que ceux chez Georgette-qui-se-la-pête, certes. Il n’empêche… Je crois que dans certaines situations, je suis atteinte de tropolisme…. Parce que figurez vous qu’il n’est pas facile d’être une fille bien élevée tous les jours… !